Posture du leader : la quête de soi, un chemin vers l'autre
Dans cette période de lassitude, de fatigue, alors que nous avons hâte de renouer avec notre vie sociale, mais que nos contraintes sont renforcées (couvre-feu à 18H, re-confinements à l’étude), nous nous questionnons sur le sens de ce que nous vivons. Les collectifs de travail, eux, constatent le changement dans les attentes des collaborateurs, l’incertitude qui est vécue comme anxiogène. Les salariés ont besoin de plus de soutien, plus de reconnaissance, ils ont besoin de mettre du sens dans leur vécu au travail. Face à ces enjeux, dirigeants et managers cherchent aussi le sens de leur mission, de leur rôle.
Chercher d'autres chemins de résilience
Quand ils me sollicitent pour un accompagnement, ce que souhaitent aujourd’hui dirigeants et managers, c’est affirmer leur propre leadership, pas de suivre les modèles « clé en main » qu’ils estiment désormais inadaptés. Au travers de cette demande, ils revendiquent un management plus sincère, plus authentique, une posture plus claire, qui correspond à qui ils sont vraiment. Ils jugent d’autant plus urgent de transformer les vieilles habitudes qu’il est vital pour eux de changer de paradigme pour mieux accompagner leurs salariés en manque d’énergie et de motivation. Cette période les confronte eux-mêmes à leurs doutes, leur fatigue, leur difficulté à soutenir leurs équipes et à trouver les leviers de motivation, alors qu’on leur demande d’être infaillibles, investis sans limite dans le sauvetage de leur entreprise et ouvrant la voie vers un avenir plus réjouissant.
Conscients qu’il faut évoluer dans l’incertitude, les leaders d’aujourd’hui cherchent d’autres chemins de résilience qui les mènent d’abord vers eux et leurs ressources internes. Il s’agit bien d’aller à la quête de soi, de leurs propres croyances, utiles ou limitantes, de leurs propres besoins, de ce qui les constitue, en accueillant ce qu’ils aiment en eux et ce qu’ils aiment moins sans concession, avec exigence. À travers cette quête, ils comprennent qu’il ne sert à rien de lutter contre l’incertitude et qu’il faut réapprendre à vivre avec. D’ailleurs, force est de constater que dans la nature, l’incertitude est constante. Aucune plante, aucun animal n’est certain d’obtenir les ressources qui lui sont nécessaires de manière permanente. Ils s’adaptent constamment à leur environnement avec seulement quelques bases établies.
Et c’est ce que nous rappelle Edgar Morin, sociologue et philosophe : « Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille. »
Nourrir sa relation aux autres
À partir de ce constat, se pose la question de la vulnérabilité. Pas si simple. Accepter de se montrer vulnérable, c’est renoncer à sa toute puissance, c’est renoncer à se positionner « au-dessus » du groupe et admettre que nul ne détient tout seul « la solution ».
Confrontés à la forte incertitude ambiante, certains sont tentés de vêtir leur costume de « sauveur » et s’investissent tout entiers pour porter secours à leurs équipes… qui n’en demandent pas tant. Se montrer vulnérable, c’est accepter de révéler son humanité, d’être imparfait, et oser l’altérité, la confiance. C’est faire émerger la conscience collective qui manque tant et le cadre « certitude » sur lequel on peut compter.
Quête de soi, début du chemin vers l'autre
Pour ces leaders, la responsabilité est grande, leur rôle complexe. Ils sont à la fois dehors et dedans, guides et guidés. Il s’agit donc d’interroger sa posture, de se confronter à sa vérité, à son ambiguïté, pour transformer sa vision et avancer vers la vérité de l’autre. L’humilité ne suffit pas, il faut être lucide, accueillir ce qui se présente et qui est le matériau du changement. Les transformations du monde du travail les invitent à prendre soin de la relation, des interactions, et en même temps à connaître leurs limites, à prendre soin d’eux-mêmes, de leur espace de ressourcement.
Prendre conscience de ce qui compte pour soi et pour l’autre, nous révèle ce qui constitue notre humanité, ce que nous avons en commun, et en même temps, nous invite à accueillir chacun d’entre nous dans sa singularité. Cette conscience aigüe de l’importance de la qualité de nos relations nous ramène en permanence à la quête de soi, début du chemin vers l’autre.
Remerciements : un grand merci aux professionnels, sources d’inspiration, pour leurs partages d’expérience, leur confiance et leur temps précieux :
Maurice Pages ; Ludivine Dumartin ; Arnaud Limbourg ; Stéphanie Hericher ; Jing Hu ; Delphine Thieffry ; Emmanuel Emeyriat ; Karine Degré ; Sophie Mansuy ; Mathilde Beauvois ; Jean-Jacques Djomna ; Emmanuelle Furrer ; Anne-Marie Nguyen ; Leila Ayed-Picot ; Mélanie Var ; Gilbert Perrin ; Rachel Loison ; Christine Briemel ; Sidonie Duloum ; Sophie Regniez ; Pierre Hiraclides ; Chloé Juan ; Magali Perrot ; Christelle Souligou ; Kevin Lucien ; Séverine Convenant ; Grégoire Durival